Suite au constat de l'enterrement de blockhaus dans le village, la municipalité se mobilise...
Le mois de septembre 2023 résonnera pour la plupart des amoureux du patrimoine, comme une nouvelle hécatombe qui s’est abattue sur les blockhaus de la commune.
Définit dans le petit Robert comme « un ouvrage militaire fortifié de béton », Mr Philippe Gorczynski Président de l’Association du Tank de Flesquières et historien local effaré avec les élus locaux de ce qui s’est passé, rappellera que ces blockhaus « avaient été construits par des prisonniers, par des vieillards, par des femmes envoyés en colonnes. Ce sont nos ancêtres qui participèrent à leur construction dans la sueur, dans la peine et la douleur ».
Il s’agit d’un exploitant agricole qui, gêné par la présence de ces ouvrages pour travailler la terre, a mandaté une société pour les enterrer, et ainsi faciliter la culture de ces champs. La problématique est qu’aucune communication n’a été effectuée au préalable, que ce soit auprès de la commune, ou des propriétaires de ces terres qui ont confirmé d’ailleurs et déploré cela dans la presse. Ce n’est pas la première fois que cela arrive, alors devant ce constat et afin de protéger le patrimoine restant de ces ouvrages, Monsieur le Maire et Mr Gorczynski se sont mobilisés. Un courrier a été adressé au sous-préfet de Cambrai, puis s’en est suivi une intervention dans la presse locale et sur la radio France bleu Nord. Rapidement, le nouveau sous-préfet a confirmé qu’il instruisait le dossier et qu’il saisissait le Directeur Régional des Affaires Culturelles. Madame Mady DORCHIES-BRILLON, Conseillère régionale déléguée au Devoir de Mémoire et à l’Inventaire du Patrimoine de la région a écrit et précisé qu’une intervention allait être déclenchée. En effet, un inventaire des blockhaus restants va être réalisé prochainement par les services de l’État.
A Flesquières, on creuse des tombes pour les blockhaus de la Grande Guerre, la colère monte (Voix du Nord du dimanche 3 septembre 2023)
Deux des blockhaus édifiés pendant la Grande Guerre, dans un champ bordant la RD 89 à Flesquières, ont disparu du paysage ce vendredi et ce samedi. L’exploitant de la parcelle aurait missionné une entreprise spécialisée qui a enterré les édifices. Visite sur le terrain.
Cela suffit ! Billy Journet, le maire de Flesquières, semble pour le moins excédé de voir disparaître les blockhaus qui jalonnent la ligne Hindenburg. « Ce matin (samedi, ndlr),un grutier a creusé un trou dans lequel il a précipité le blockhaus. Un bâtiment qui témoigne de notre histoire. Je déplore également que les éléments des chars de la Première Guerre mondiale qui se trouvaient sur les lieux aient aussi disparu, ils étaient destinés à notre association d’histoire Le Tank » déclare l’édile. La veille, un blockhaus a aussi été enterré dans les mêmes conditions.
Billy Journet a appelé les gendarmes de Clary qui se sont transportés sur les lieux, avec le capitaine Yves Clairon, adjoint au commandant de la compagnie de Cambrai. Le maire a alerté les services du déminage qui viendront prendre en compte les obus.
Donneur d’ordres
Selon le fils de l’un des copropriétaires du champ, l’exploitant considère que les blockhaus constituent une gêne dans la culture des terres. « Il veut s’en débarrasser, mais il aurait dû avertir les copropriétaires de son intention d’enterrer les blockhaus plutôt que de passer en force » dit-il.
Car, selon les renseignements obtenus, le grutier exécute les ordres qu’il a reçus de son employeur, la SARL La Chapelle de Vancourt (62) à laquelle l’exploitant a fait appel. Vendredi, le grutier a de plus découvert trois obus à côté du blockhaus qui ont été signalés et isolés dans l’attente de leur enlèvement par les services du déminage.
« L’an dernier, un blockhaus avait déjà disparu » précise un historien local. Le blockhaus est toujours dans son trou et, pour l’heure, nul ne peut se prononcer sur son devenir.
Nous ne sommes pas parvenus à contacter l’exploitant
La Voix du Nord du dimanche 3 septembre 2023 - PIERRE VILCOCQ (CLP)
Flesquières : deux blockhaus de la Grande Guerre détruits et enterrés dans un champ (France Bleu Nord - Mercredi 6 septembre 2023)
A Flesquières, près de Cambrai, deux blockhaus ont été détruits et enterrés dans un champ de la commune. Selon le maire, l'exploitant agricole qui possède le terrain aurait fait venir une grue début septembre pour se débarrasser des deux blocs militaires en béton.
"Celui-là a été détruit vendredi, et son petit frère, un peu plus loin, samedi." Devant le champ qui borde la départementale 89 à Flesquières, le maire de la commune Billy Journet et l'historien local Philippe Gorczynski constatent les dégâts. "Des habitants m'ont appelé vendredi pour me dire que le propriétaire avait missionné une grue pour détruire deux blockhaus de la Grande Guerre qui se trouvaient sur son champ", raconte le maire, dépité. "Je suis allé sur place et je les ai vu enterrer les deux blocs et retirer tout ce qui se trouvait à l'intérieur, comme des morceaux de tank. C'était à pleurer."
"Il n'y a plus rien, plus de mémoire. Il y a quand même des milliers de soldats qui sont morts, c'est une terre de sang Flesquières. Mais là, tout disparait, il n'y aura plus rien pour se souvenir, plus rien pour nos enfants, nos petits-enfants", regrette le maire. "Et puis il y a le problème de la sécurité ! Il peut rester à l'intérieur des blockhaus des obus, notamment des obus à gaz, ça pose tout un tas de soucis pour le village si quelque chose se passe mal pendant une destruction."
"Il est temps de commencer à les protéger"
"Aujourd'hui, les blockhaus appartiennent à 100% aux propriétaires des terrains", explique Philippe Gorczynski, qui préside l'association 'Le Tank de Flesquières'. "Mais il y a un gigantesque vide juridique : déjà, ces blockhaus ont été donnés aux propriétaires des terrains après la guerre… Mais en cent ans, les choses changent, elles prennent du sens et de la valeur. Donc, ce n'est plus normal selon moi que les propriétaires puissent faire ce qu'ils veulent sans alerter personne. Et ensuite, tous ces ouvrages ne sont pas répertoriés, ni sur les cartes d'urbanisme ni sur les cadastres. Il est temps aujourd'hui de les classer et de commencer à les protéger !"
Le maire et l'historien ont alerté le sous-préfet de Cambrai qui assure que les services de l'État suivent le dossier. "On essaie de militer pour un permis de démolir, conclut Philippe Gorczynski. "Il y a évidemment des situations où on peut se débarrasser d'un blockhaus, quand il gêne trop par exemple, ça, je le conçois tout à fait. Mais arrêtons la démolition sauvage ! Il faut a minima que les propriétaires préviennent la mairie avant de détruire une partie du patrimoine. Comme ça, en accord avec les services de l'état et la direction d'architecture locale, on peut venir faire une fouille, et surtout filmer et photographier le blockhaus pour qu'il reste des traces pour les générations futures. Ce sont des morceaux d'histoire."
L'exploitant n'a pas répondu à nos sollicitations.
Mercredi 6 septembre 2023 à 19:37 Par France Bleu Nord
L'interview par France bleu Nord de Billy Journet et de Philippe Gorczynski (6 sept 2023 - France Bleu Nord)
Les blockhaus enterrés à Flesquières l’ont-ils été sans l’accord des propriétaires ? (Voix du Nord du 12 septembre 2023)
Près du monument des Nations, des blockhaus ont été enterrés dans un champ, il y a quelques jours. Au grand dam, non seulement du maire et d’un responsable d’association historique, mais aussi d’un des propriétaires de l’indivision, mis devant le fait accompli.
Peut-on enterrer l’histoire de la Grande Guerre ? C’est tout l’objet du débat qui agite Flesquières, à propos du traitement réservé à certains de blockhaus, gênant l’exploitation des champs mais symbolisant le passé d’un village « gorgé d’histoire », dixit le président de la société historique Le Tank, Philippe Gorczynski.
Ce dernier ne veut pas trop accabler l’exploitant du champ, qui a semble-t-il missionné une entreprise pour se débarrasser de blockhaus. Mais regrette la situation. « C’est pratiquement du pillage archéologique », s’indigne-t-il. D’autant plus que, d’après lui, le contexte historiographique autour de la commune (découverte du tank, étude autour des exploitants du lieutenant Bion, table d’observation, etc.) donne plus de valeur à ce bâti. Le responsable associatif déplore aussi le fait que divers éléments, comme des « plaques de blindage » auraient été embarqués durant l’opération menée à la grue.
Le responsable associatif souhaiterait des règles plus précises pour ces éléments de bâti se situant dans les exploitations agricoles, décidées en concertation entre « les cultivateurs et les services d’archéologie ». Ainsi que des règles plus précises concernant les risques liés aux obus. Dans le champ en question, mardi, on pouvait en effet remarquer deux obus marqués à la peinture jaune. Un risque d’autant plus important si certains produits chimiques font partie des armes utilisées pour la bataille de Cambrai, comme c’était souvent le cas lors de la Grande Guerre.
« Je n’aurais pas donné mon accord »
Le terrain en question a deux propriétaires, en indivision, assure Bertrand de Valicourt, l’un d’entre eux. Ces terres il les connaît bien, car ce sont aussi de son père et de son grand-père, et que la relève est déjà assurée, avec son fils. Il le reconnaît, « certains blockhaus gênent plus que d’autres ». Mais « on s’en est accommodé », ajoute son fils, Gilles de Valicourt.
Bertrand indique : « Je n’étais pas là samedi matin, et surtout je n’étais pas prévenu, mais l’année dernière, on a eu un précédent avec deux blockhaus. » Il affirme avec résolution : « On ne m’a rien demandé, et si on m’avait posé la question, je n’aurais pas donné mon accord. » C’est son fils, qui passait par hasard devant le champ, qui l’a averti. « D’autres personnes l’ont appris, beaucoup d’habitants sont venus », raconte Gilles.
« On est sur un lieu de mémoire, c’est surprenant qu’ils n’en aient pas tenu compte », jugent-ils. Avant d’expliquer qu’eux non plus n’ont pas eu la possibilité de s’expliquer avec l’exploitant à l’origine de cette décision, qui fait partie de la famille, mais avec qui ils sont en froid depuis plusieurs années.
Il ne nous a toujours pas été possible de contacter l’exploitant.
« Je vais écrire au sous-préfet »
Le maire de Flesquières, Billy Journet, explique que la « gendarmerie doit s’occuper de réclamer des bouts de tank ». Et déplore l’enterrement de blockhaus. « Plusieurs personnes sont désabusées », explique-t-il, mettant en avant le devoir de mémoire.
« Les gendarmes ont appelé la procureure, et pour l’instant il n’y a pas de retour », indique l’élu, qui veut « récupérer ce qu’on peut ». Lui aussi est inquiet pour la sécurité, avec notamment la présence d’explosifs comportant des gaz nocifs.
« Je vais écrire au sous-préfet », indique-t-il, avant de préciser : « Nous allons faire un courriel avec les conseillers municipaux et les adjoints. »
Source : La Voix du Nord du 12 septembre 2023
